Alors que la campagne électorale en vue du référendum bat son plein au Burundi, Mizero y’Abarundi, la principale coalition d’opposition qui milite pour le «non», est l’objet d’une tentative de «nyakurisation». Celle-ci fait suite à la démonstration de force de la coalition à Ngozi il y a une semaine : malgré la répression et les violences contre ses membres, elle a été capable de rassembler plusieurs milliers de Burundais contre le projet constitutionnel. Le week-end dernier les médias ont pris connaissance, lors d’une conférence de presse, de l’existence d’un autre groupe politique dirigé par un certain Révérien Niyimpa et disant appartenir à Mizero y’Abarundi. A une grande différence près : le même groupe appelle la population à voter «oui» pour la nouvelle constitution.
Le silence des autorités face à ce groupe «improvisé» inquiète Agathon Rwasa, le leader de la seule coalition régulièrement inscrite à la Ceni. D’après les informations dont dispose Ivomo, le groupe Révérien Niyimpa n’est enregistré ni dans les registres de la Commission électorale nationale indépendante ni ceux du ministère de l’intérieur. Pour Rwasa, ce que fait le groupe est un acte de «sabotage» des campagnes de sa coalition.
La Commission électorale saisie
Dans une correspondance adressée à la Ceni, Agathon Rwasa appelle la commission à agir et faire respecter la loi. Il précise que le nouveau groupe, en plus de ne pas être reconnu au sein de la coalition, n’a même pas droit d’exister au regard des articles 3 et 4 du décret présidentiel signé le 23 avril, cette année, sur l’ouverture de la campagne référendaire.
Selon les deux articles, seuls les partis politiques et indépendants inscrits à la Ceni sont autorisés à «organiser des réunions électorales» ou à « faire campagne» en faveur ou non du nouveau projet constitutionnel.
Agathon Rwasa demande à la Ceni de prendre des mesures appropriées contre Révérien et son groupe en vue de faire respecter le décret du président.
Le problème des dissidents des partis et coalitions ne concerne pas la Ceni, selon Ntahorwamiye
La Ceni a annoncé ce mardi, dans une conférence de presse, qu’elle n’était pas concernée par le problème de gestion des dissidents des partis politiques ou coalitions. Reconnaissant que les individus qui se font actuellement passer pour la coalition Mizero y’Abarundi ne sont pas inscrits dans les registres de la commission, le Porte-parole de la Ceni, Prosper Ntahorwamiye, a tout de même dit qu’ils avaient le droit de battre campagne. Une sorte de bénédiction à la «nyakurisation» des partis de l’opposition? «La Ceni n’est pas là pour surveiller les convictions politiques de chaque membre de la coalition Mizero y’Abarundi. Les dissidents de la dite coalition ont droit de faire campagne même s’ils ne se sont pas fait enregistrer», a-t-il déclaré.
Toutefois, alors qu’il clôturait la phase d’enregistrement des formations politiques qui souhaitaient participer à la campagne référendaire, début mars 2018, le président de la Ceni, Pierre Claver Ndayicariye, avait également annoncé ce qui est dit dans le décret du 23 avril cité plus haut.
La campagne des militants du «non» contrariée
Depuis le lancement de la campagne référendaire, le 1er mai, plus d’une centaine d’opposants ont été arrêtés et d’autres malmenés, accusés de militer pour le «non», affirme un député de la coalition Mizero y’Abarundi. Pour lui, cela vise à les «intimider pour les empêcher de battre campagne».
En plus, il déplore le fait que l’opposition n’a pas accès aux médias publics alors que le décret du 23 avril l’y autorise. «L’article 6 du décret précise bien que nous avons le droit d’utiliser les médias de l’Etat. Mais, on n’a vu l’équipe de la radio télévision nationale que le premier jour seulement, à Ngozi. Après, ils ne sont plus revenus», s’indigne-t-il. «Le régime ne veut pas que le peuple puisse entendre nos idées», ajoute-il.
Alors que la RTNB diffuse presque tout le temps des images de propagande du parti CNDD-FDD, le Conseil national de la communication (Cnc) a suspendu de diffusion, depuis lundi 7 mai 2018, la BBC et Voice of America, deux radios internationales émettant en kirundi et qui organisaient encore des débats contradictoires.