Catastrophes au Burundi : Pourquoi on ne tire jamais la leçon des évènements du passé ?

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Chaque fois qu’il pleut beaucoup au Burundi, des inondations, des glissements de terrain et coulées de boue causent des morts. Mais malgré de lourdes pertes, les autorités ne s’activent pas pour éradiquer le problème. Sous l’œil complice de celles-ci, des gens continuent de construire des maisons d’habitation dans des zones « dangereuses ». Les erreurs du passé ne leur apprennent évidemment rien ! Le point avec Ivomo.

Partons d’exemples récents. Dans la nuit du 21 décembre 2019, des pluies torrentielles ont fait 15 morts au nord-est de la capitale économique Bujumbura. Les précipitations y ont également détruit près de 250 maisons. Au début du même mois, des pluies tombées avec une violence inouïe avaient provoqué des éboulements de montagnes et causé la mort d’au moins 26 personnes ainsi que beaucoup de blessés dans la province du nord-ouest de Cibitoke.

En six ans, plusieurs centaines de Burundais ont perdu la vie suite aux intempéries, dans différentes localités. Les pertes économiques ont été aussi importantes. L’un des cas les plus frappants est celui du quartier de Gatunguru – nord de Bujumbura – en 2014 : près d’une centaine de morts, 400 maisons détruites, etc. Cette localité est située en contrebas des montagnes qui surplombent la capitale économique.

Toujours la même attitude

Chaque fois que les populations périssent, la suite du scénario est connue à l’avance. Primo, les autorités se dirigent précipitamment vers le lieu du drame, avec quelques sacs de vivres. Après cela, elles organisent des funérailles. Enfin bref, annoncent la construction d’abris provisoires pour les victimes… Voilà la seule stratégie adoptée face au phénomène qui se répète tous les ans. Elles n’en tirent jamais la leçon. Or, l’erreur dont on n’apprend rien se répète, cause de plus en plus de dégâts. Mais jusque quand ?

Dans notre article intitulé « Burundi : Des populations fortement exposées aux catastrophes » du 23 juin 2019, nous analysons, avec de l’aide des experts, le phénomène de catastrophes naturelles au Burundi : ravinements, glissements de terrain, inondations, etc. Ils révèlent la cause principale de tout cela : l’absence du Plan national d’aménagement (PNA). C’est un document qui devrait permettre aux autorités de mieux connaitre la vocation des terres de chaque localité : pastorale, sylvicole, agricole… Cela, en fonction de la situation topographique (forme, pente, …). Là où le bât blesse pour ces autorités, aujourd’hui, elles ne sont pas capables de savoir où installer des aménagements adéquats. D’où, ceux déjà mis en place ne sont pas compatibles avec la réalité de terrain.

Lire l’article intégral : Burundi : Des populations fortement exposées aux catastrophes

Dans une conférence publique animée le jeudi 26 décembre 2019 par le président burundais, Pierre Nkurunziza, le phénomène a été évoqué. Il a aussi fait part de ce qu’il pense être une des causes principales d’inondations, surtout dans Bujumbura : l’anarchie dans la construction de maisons. Mais, il n’a rien dit sur le problème de l’urbanisation « irréfléchie » et « irresponsable » souvent déploré par des experts.

Qui est responsable ?

En réalité, la responsabilité est partagée entre les autorités et la population. Chacun à son niveau. Par exemple, certains Burundais, bien que conscients du danger qui les guette, continuent de construire dans des zones dangereuses ou interdites, en toute impunité. Dans certains cas, ce sont les autorités elles-mêmes qui octroient des parcelles. Le reporter d’Ivomo a visité le quartier de Gikungu, près des montagnes surplombant Bujumbura. Il y a été accueilli par un grand ravin séparant cette partie de la ville de ces hautes montagnes. Des maisons, sur le point de s’y effondrer…

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Emmanuel* est l’un des propriétaires. Quand le reporter arrive, au coucher du soleil, l’homme garde ses deux chèvres au bord de l’abime. Sa maison n’en est pas non plus loin. Mais paradoxalement, il est tranquille.

« Quand je suis arrivé de Ngozi, ma province, il y a 8 ans, je ne rêvais que d’avoir une parcelle à Bujumbura. J’en ai eu. Du reste, je vis et m’adapte comme tous les autres », confie-t-il. « Ce ravin, on va planter des bambous là au fond et tout va s’arranger », ajoute-t-il, souriant.

A quelques mètres au-dessus, se trouve une maisonnette dont une partie s’est déjà effondrée. Tout le salon est parti. Seule une chambre est encore debout. Sa porte, directement visible de l’extérieur, reste fermée, bien cadenassée. En voyant cela, le reporter comprendra vite que le propriétaire n’est pas là. Il est allé au boulot, dira *Emmanuel. Mais, un autre cas l’intéresse, non loin : une maison construite en escalier au-dessus du ravin.

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Le reporter grelotte de trouille, jette un soupir, puis approche. Voyant celui-ci pris de peur, le propriétaire, par une explication absurde, le tranquillise :

« J’aime cet endroit car il est calme, vraiment calme. Je préfère vivre avec les inondations que d’aller habiter le désordre de Kamenge. Ici c’est mieux. Le reste je m’en fous et je m’en contre-fous. On ne meurt qu’une fois ! ».

Toutes ces attitudes ont laissé le reporter ébahi. Elles révèlent l’existence d’un problème sérieux dans la société burundaise. Le gouvernement ne veut pas agir de façon appropriée, les victimes aussi ! Si les choses restent ainsi, comment sauvera-t-on les vies emportées chaque année par les catastrophes naturelles ? En tout cas, un changement de mentalité, un changement de logique de pensé et d’action s’impose. Tout un chacun doit comprendre, par lui-même, les racines du problème. Et seule l’implémentation du Plan National d’Aménagement (PNA) permettra au Burundais de s’en sortir définitivement. Si non, tôt ou tard, la nature les y forcera, après d’innombrables victimes.

*les noms ont été modifiés

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