Cependant que le nouveau coronavirus gagne du terrain dans les pays voisins du Burundi et que leurs dirigeants prennent déjà des mesures sérieuses, les autorités burundaises, elles, en ont décidé autrement : lancer une campagne électorale malgré tout.
Cette volonté du gouvernement de maintenir la campagne électorale en vue d’une triple élection [la présidentielle, la législative et la communale] prévue le 20 mai 2020, en dépit de la propagation de la pandémie, a ébranlé nombre d’intellectuels et médecins burundais. Ils déplorent une décision qui risque de coûter chère au pays.
Déjà, le Burundi enregistre 19 contaminés dont un mort. Ce nombre peut, à tout moment, augmenter. La raison, le gouvernement et les leaders de différents partis politiques n’ont pris aucune mesure de protection. Ils battent campagne et rassemblent des milliers de gens en toute tranquillité. Vous êtes sans ignorer que durant un meeting, il est impossible de respecter la règle d’or de la distanciation sociale. Les gens sont trop proches les uns des autres. Ils suent, se serrent les mains, s’embrassent, toussent, éternuent, etc. Ce qui constitue des éléments catalyseurs d’une propagation rapide du virus. Il faut préciser qu’un seul cas suffit pour contaminer plusieurs centaines de gens.
Cette attitude des politiques battant campagne, malgré les risques, est perçue par certains Burundais comme l’ultime « preuve d’inconscience ».
En réalité, la menace est réelle au Burundi. Et les autorités ne peuvent pas continuer de faire comme si de rien n’était alors que les pays limitrophes enregistrent déjà des chiffres de patients très élevés. Par exemple, la République Démocratique du Congo (RDC) compte plus de 700 cas. Le Kenya en est à plus de 530. La Tanzanie a déjà enregistré 480 contaminés. Le Rwanda, plus de 260, et l’Ouganda, 97.
Un virus sans privilège
L’épidémie explose pour la première fois en Chine, fin décembre 2019, et y fait des milliers de morts. Puis, s’étend au reste de la planète. Quelques semaines plus tard, elle est d’ailleurs déclarée « pandémie » par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Aujourd’hui, les cinq continents comptent plus de 3 500 000 contaminés dont près de 250 000 morts. Les États-Unis d’Amérique étant les plus touchés avec plus de 66.000 décès pour au moins plus 1.133.000 cas.
Voilà une réalité à laquelle les décideurs burundais semblent fermer les yeux. La situation est gravissime. Les pays les plus touchés sont des grandes puissances. Et ce, malgré qu’elles aient des systèmes de santé plus avancés que celui du Burundi. A voir l’allure avec laquelle la maladie y progresse, ça devrait servir de leçon à la petite nation des Grands Lacs. Elle qui n’a même pas d’aspirateurs ni de tests suffisants. Ses Autorités devraient s’épargner l’augmentation des cas en suspendant tous les rassemblements (politiques, religieux, commerciaux, …).
Elles devraient aussi éviter, tant qu’il est encore possible, ce que des observateurs qualifient de « négligence » de certains pays africains. Ces observateurs se basent, par exemple, sur ce qui se passe en Tanzanie actuellement. Les autorités de ce pays ont vu venir la menace mais n’ont pas agi immédiatement pour protéger leurs citoyens. Aux multiples demandes de la population d’être protégée, le président, John Pombe Magufuli, a simplement répondu que « Seul Dieu sauvera la Tanzanie ». Ce pays de l’East African Community avait moins de 100 cas, le 16 avril. En seulement deux semaines, ils se sont multipliés par 5.
L’attitude du président Magufuli s’observe également chez son homologue burundais. Le 1er mai, lors de la célébration de la journée mondiale du travail, Pierre Nkurunziza, a jugé « inutile » de respecter la distanciation sociale. « Ce que l’on vous dit est faux. Ces choses que l’on vous raconte de l’extérieur sont fausses. N’est-ce pas que vous tous ici êtes collés les uns contre les autres? Est-ce que vous avez un problème? Acclamons pour notre Dieu! Dieu est à notre côté. Sans lui, rien n’est possible », a-t-il déclaré souriant.
Possible de battre l’ennemi « invisible »
Il est vraiment possible de vaincre le nouveau coronavirus. Même avec des moyens limités. On peut donner l’exemple du Vietnam. Ce pays asiatique a été salué par le Forum économique mondial, le Financial times, pour sa capacité d’agir et de contenir très rapidement la pandémie, malgré ses ressources limitées. Le Vietnam qui compte 97 millions d’habitants a pu stopper la propagation du virus par l’évaluation précoce des risques, par une communication efficace, une collaboration avec les citoyens, des informations précises et une solidarité communautaire. Pourtant, son système de santé est précaire. À part « agir vite », les autorités ont aussi utilisé la méthode de « quarantaine sélective » ainsi que celle de « tests efficaces et abordables ».
On peut dire que c’est cette volonté qui manque au Burundi. Or, on ne badine pas avec l’ennemi invisible. Le ministre de la santé, Dr Thadée Ndikumana, sait déjà que la maladie est très dangereuse. Cependant, paradoxalement, il prend très peu de mesures. « Si le nombre de cas est très élevé, c’est très dangereux. Par exemple si ici en mairie de Bujumbura il y a 2000 cas ou plus, même l’air va être contaminé. Dans ce cas, les habitants vont respirer du virus », a-t-il déclaré lors d’une synergie des médias organisée le 10 avril 2020. « Le Covid-19 se propage comme la grippe, la tuberculose ou la lèpre. Quand une personne éternue, il reste sur ses mains ou dans l’air. Si une autre respire cet air, elle est directement contaminée. C’est aussi dangereux quand le patient salue une autre personne qui n’est pas malade en serrant ses mains. Le virus se transmet très facilement ».
Servent-ils leurs propres intérêts?
L’actuelle attitude des politiciens burundais suscite des interrogations. Normalement, la période électorale devrait être une occasion pour eux de démontrer leur maturité politique, en protégeant la population, l’intérêt général, etc. Mais dans le cas présent, tout laisse à penser qu’ils sont motivés par la recherche d’intérêts personnels.
Au Burundi, la politique semble être devenue un moyen de s’enrichir au détriment de la population ou tout simplement un art de mentir. Or, elle se veut être l’art de gérer ou d’organiser la société. Les politiciens devraient être soumis à un devoir d’honnêteté. Il aurait donc fallu reporter les élections de mai pour d’abord maitriser la maladie ou tout au moins en réduire les risques. L’Éthiopie par exemple l’a fait. Il a bien remis à une autre date les élections générales qui devaient se tenir au mois d’Août… Et si les autorités burundaises jouaient avec un volcan?