Le nouveau système d’exploitation de l’or en vigueur dans la commune de Butihinda en province de Muyinga (Nord-Est du pays) est devenu une source d’ennuis et d’inquiétudes pour la population de Kamaramagambo, l’une des zones à plusieurs gisements de cette commune.

Les habitants interrogés par Ivomo sont fâchés contre l’«usage de la dynamite» par les mineurs pour faire exploser les roches dures contenant de l’or, un nouveau système utilisant des substances extrêmement «dangereuses» pour la santé.
Le gaz qui se dégage après l’explosion aurait déjà emporté une centaine de vies humaines parmi ces mineurs depuis deux ans environ. Les proches des victimes affirment qu’elles succombent à une maladie qui n’a pas encore été identifiée.Ivomo a visité les trois principaux sites d’exploitation de Karimiro, Ryakizebe et Nyarubuye sur la colline de Kamaramagambo.
Les témoignages sont accablants.
10 MORTS DÉJÀ POUR LE MOIS D’OCTOBRE SEULEMENT
Il est 8 heures passées et il fait beau sur le ciel du site de Ryarubuye. Un groupe de jeunes hommes sont assis près du tunnel (Ikirombwe) attendant leur tour pour descendre. Certains acceptent de témoigner mais s’assurent d’abord qu’on n’est pas des policiers.

Depuis des mois, l’administration a interdit aux simples citoyens de faire ce travail. Seules les associations qui maitrisent la technique et qui paient la taxe communale sont autorisées à le faire.
«On doit se cacher car si les policiers arrivent ils nous arrêtent», explique l’un d’entre eux. «Au mois d’Août ils ont tiré sur un ami mais il a pu s’échapper en se cachant dans le tunnel», précise-t-il. Il affirme que le travail est très dangereux pour leur santé. Au moins «10 morts» déjà parmi ses amis suite à la maladie non identifiée pour seulement ce mois d’octobre.
«Les 10 victimes étaient originaires des collines de Kamaramagambo, Murehe, Maruri et Ryagiza», révèle-t-il. «Et Il y en a d’autres qui sont encore malades», ajoute-t-il.

Ivomo s’est entretenu avec Jean Marie Minani*, l’un des jeunes qui sont malades. Il est parmi ceux qui étaient chargés d’entrer dans le tunnel (Ikirombwe) et de faire exploser la roche. «J’ai commencé à sentir des douleurs au niveau de la poitrine vers la fin de 2016. Quelques jours après, j’ai senti une faiblesse chronique. Je ne pouvais plus travailler comme avant», témoigne-t-il.
Ce jeune de 30 ans a par la suite décidé d’aller voir un médecin à l’hôpital de Mukenke dans la province de Kirundo, frontalière de Muyinga. «Après examens, le médecin m’a dit que j’avais un problème de poumons et m’a conseillé de ne plus fréquenter les Ibirombwe». Il précise qu’il a même été obligé de vendre sa moto, n’étant plus capable de la conduire.
UNE CENTAINE DE MORTS DEPUIS 2015
Jean Marie Minani et ses voisins vont plus loin en affirmant qu’au moins une centaine de mineurs travaillant dans les tunnels sont morts depuis 2015.
«La plupart des amis avec qui je travaillais sont morts au cours de cette année. Je peux compter au moins plus de 60 de mes amis qui ont disparu depuis janvier », révèle Minani en pleurant. Il affirme qu’il y a d’autres victimes originaires des autres provinces comme Kayanza, Ngozi et Kirundo.
«Elles sont retournées chez elles ayant déjà développé les symptômes. Je n’ai plus de nouvelles d’elles mais je crois qu’elles ne sont plus », ajoute le jeune homme.
Une première disparition, selon nos témoins, est celle d’un certain Mayondori, un homme d’affaires richissime qui détenait plusieurs tunnels où on cherchait de l’or en 2015. Un proche affirme qu’il a même été évacué en Inde pour des soins mais en vain.
Mayondori aurait été exposé aux gaz qui se dégagent après l’explosion de la dynamite. Ne tolérant pas des employés qui lui volaient de l’or, des témoins affirment qu’il se rendait directement dans le tunnel sans attendre son aération.
SYMPTÔMES : DE L’INCUBATION À LA MORT
Des sources recueillies auprès des hôpitaux de Muyinga et de Mugano (province de Muyinga) qui accueillent souvent les patients indiquent que ces derniers développent des symptômes comme : douleur chronique et intense au niveau du thorax, toux aiguë, faiblesse, perte énorme de poids et insuffisance respiratoire.
Ces sources médicales affirment qu’il n’y a pas de traitement curatif pour cette maladie.
«Seuls les anti douleurs sont prescrits pour les patients», précisent-elles. «Même ceux qui ont été transférés en Russie et en Inde n’ont pas pu survivre», ajoutent-elles.
COMMENT FONCTIONNE LE SYSTÈME MIS EN CAUSE ?
«Ikirombwe» est un labyrinthe de tunnels percés dans une montagne.

Les mineurs creusent jusqu’à une profondeur de 20 mètres, puis ils percent de multiples voies horizontales qui forment un dédale souterrain. Il leur faut alors jusqu’à 2 heures de marche pour le parcourir à la recherche de l’or. Ils ont ensuite recours à la dynamite pour faire sauter la roche dure quand elle les bloque dans leurs mouvements.

Qu’arrive-t-il alors après l’explosion de la substance ? Un chimiste contacté qui a requis l’anonymat indique qu’après l’explosion de l’engin il se dégage « un mélange de gaz dont le monoxyde de carbone (CO) qui est très toxique»
Selon ce chercheur, les mineurs devraient se servir d’appareils spécialisés comme «Extech CO10» pour mesurer la concentration de ce gaz avant de s’introduire dans les tunnels.
Il précise qu’ils ne pourraient s’y introduire que quand l’appareil affiche au maximum une valeur d’environ 0.2 ppm (partie par millions). «En cas d’absence d’un tel appareil, ils seraient tenus d’attendre deux à trois jours pour l’aération normale du milieu», précise-t-il.
Or les mineurs contactés affirment que certains d’entre eux restent à l’intérieur du tunnel au moment même de l’explosion tandis que d’autres s’y précipitent directement après l’explosion pour ramasser l’or.
Des sources médicales corroborent ces explications du chimiste affirmant que la maladie serait liée à l’aspiration de ces gaz.
Le «système de dynamite» utilisé à Butihinda a commencé en 2012, la pratique ayant été transmise frauduleusement par des mineurs tanzaniens. La fraude proviendrait des sociétés minières opérant à l’Ouest de la Tanzanie non loin du Burundi. Ayant des experts pouvant utiliser les dynamites, ces dernières ont une autorisation spéciale de s’en procurer auprès du gouvernement tanzanien.
Les gisements miniers de Kamaramagambo sont exploités artisanalement et anarchiquement. Ils assurent des revenus considérables aux exploitants.
Au Burundi, les dynamites sont utilisées par les forces de l’ordre.
*Les noms ont été changés
#Burundi – #Muyinga – #Butihinda – #Exploitation_de_l’_or
@Ivoomo: #FLASH_Hiryanohino