Le Secrétaire Général de l’ONU, Antonio Guterres, vient de transmettre au Conseil de sécurité son rapport sur la situation au Burundi. Dans un document de 11 pages révélé fin janvier dernier, il se dit préoccupé par le processus de changement de la constitution en cours, une démarche qui, selon lui, sans large consensus, ne peut qu’exacerber les tensions entre le régime et l’opposition. Pour Guterres, le projet risque d’anéantir les acquis de l’Accord d’Arusha.
Il faut rappeler que le nouveau texte, une fois voté, permettrait au président Pierre Nkurunziza de prétendre à un quatrième mandat, renouvelable, qui serait de sept ans au lieu de cinq, alors que l’Accord d’Arusha limitait le nombre de mandats présidentiels à deux.
Pour Guterres, seul un dialogue constructif entre toutes les parties prenantes peut empêcher de déstabiliser davantage le pays. Le Secrétaire Général de l’ONU affirme également que la situation socioéconomique et des droits de l’homme au Burundi est « gravement préoccupante ».
Bujumbura réagit par une manifestation
La réaction de Bujumbura ne s’est pas fait attendre : une marche de protestation a été organisée par la mairie dans le week-end dernier, comme les autorités burundaises en ont pris l’habitude.
Ivomo s’est rendu au rond-point des Nations-Unies non loin de la permanence du parti CNDD-FDD (dans la zone de Ngagara) au nord de la capitale où se faisait le rassemblement.
A 10 heures pile, la manifestation commence. Deux éclaireurs ouvrent le cortège avec le drapeau du Burundi dans les mains. La foule se dirige vers le centre ville en passant par le boulevard du Peuple Murundi, la marche rythmée par la chanson : « les colons sont mauvais, leur temps est révolu ». Le mouvement continue jusqu’à l’ambassade de Belgique. Là les manifestants observent une pause et entonnent l’hymne national. Après, rassemblement sur la place de l’indépendance. Et là commencent les discours.
Le Conseiller Principal du Maire, Ramadhan Nkurikiye, qui a pris la parole, a critiqué le Secrétaire Général de l’ONU en affirmant que son rapport visait à perturber le processus de révision de la constitution en cours au Burundi et que cela était « inacceptable ». « La constitution appartient au peuple Burundais seulement. L’ONU n’a pas le droit de s’ingérer dans les affaires internes des Burundais », a-t-il déclaré devant la foule, avant de lancer des slogans demandant au gouvernement de ne pas reconnaitre le document.
Certains petits commerçants rencontrés dans la manifestation affirmaient y avoir été forcés. « Des gens en civil m’ont obligé de fermer ma boutique et de me joindre aux autres. Je suis ici pour me protéger et protéger mes affaires », a révélé un commerçant du quartier de Kajiji à Kanyosha. Des conducteurs de vélos disaient avoir subi le même sort. Emmanuel* par exemple. Ce n’est pas la première fois qu’il participait à une manifestation contre son gré. Il nous a dit que refuser d’y participer est lourd de conséquences. « Tu dois venir car si tu ne viens pas on te chasse du parking. Je suis donc ici pour ma survie. Je n’ai pas le choix », a-t-il confié.
C’est la première fois, depuis 2015, qu’une manifestation se déroule du début à la fin sans que le Belge Louis Michel soit cité nommément. Etant l’un de 750 députés européens, il a à maintes reprises été accusé par Bujumbura d’être derrière les sanctions prises contre le Burundi par l’Union Européenne. Maintenant, le vieil homme de 70 ans a annoncé son retrait de la vie politique en 2019.