Promesses de Neva : l’espoir renait chez des jeunes chômeurs

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Le nouveau président de la république, Évariste Ndayishimiye, se dit déterminé à s’attaquer au chômage qui, aujourd’hui, menace la jeunesse. Il a promis d’octroyer des crédits non remboursables à ceux [les jeunes] qui ont de bons projets. Une politique saluée.

Le chef de l’État l’a annoncé le mardi 30 juin 2020 dans le moment où les membres du nouveau gouvernement prêtaient serment devant lui et les deux chambres du parlement, à Bujumbura. Non seulement le gouvernement leur accordera des crédits non remboursables mais également fera encadrer leurs projets par des experts, a-t-il précisé, sous des applaudissements.

C’est donc un vent d’optimisme qui souffle, selon des milliers de jeunes burundais frappés, de plein fouet, par le chômage. Un espoir qui renait. « La décision tombe à point. J’espère que, dès ce moment-ci, je pourrai me marier », se réjouit Gordien*, 31 ans, et au chômage depuis 6 ans. Satisfaction aussi chez son camarade Égide* : « Le président a pris une très bonne décision. En réalité, il est difficile de diriger un pays en ignorant la jeunesse qui représente près de 70 % de la population ».

À part l’accompagnent des jeunes, le gouvernement veut en outre une transparence dans les recrutements. À cet effet, il vient de lancer un recensement, par commune, de tous les jeunes diplômés au chômage. L’objectif étant de savoir le type de leurs diplômes ainsi que leurs qualifications. Toutes ces données seront exploitées lors des embauches. Chose promise, chose due…

Quelle est la situation sur terrain?

Elle n’est pas du tout bonne. Selon les données de l’Adisco [Appui au développement intégral et à la solidarité sur les collines], le taux de chômage moyen dans le pays est de 60.3 %. Ce chiffre est inquiétant. Alarmant. Cependant, les choses n’ont pas toujours été ainsi. Elles s’aggravent en 2015 suite à l’éclatement de la crise due à la décision de l’ex-président, Pierre Nkurunziza, de briguer un 3ème mandat jugé « anticonstitutionnel » par l’opposition, et aux sanctions financières imposées au régime par les bailleurs.

En supplément, vous êtes sans ignorer que le Burundi compte aujourd’hui près d’une cinquantaine d’universités. Elles produisent, chaque année, des milliers de lauréats, confrontés pour la majorité au chômage. Même les quelques donneurs d’emplois existant exigent une expérience difficile à acquérir : entre une et cinq années.

Cette situation est amplifiée par deux problèmes : des modèles économiques inadaptés et la fragilité de la gouvernance. Dans ce contexte, certains jeunes chômeurs se retrouvent privés d’accès aux ressources via la pratique de la corruption.

Le désarroi!

L’entrée dans la vie active reste un chemin plein d’embûches pour les jeunes diplômés burundais. Pour en avoir le cœur net, notre reporter s’est entretenu avec une dizaine d’entre eux, dans la capitale économique, Bujumbura.

Gilbert*, 30 ans, originaire de la province de Rumonge [sud-ouest], vient de passer 4 ans sans emploi. Pourtant, il n’a pas cessé de postuler pour chaque appel d’offre. Quand il était encore à l’université où il a fait le droit, il se faisait beaucoup d’illusions : « Avec ma meilleure note, je vais vite me lancer dans la magistrature, … je serai favori… », se vantait-il souvent. Mais à la fin de son cursus, la réalité lui démontrera le contraire. Tous les dossiers présentés à la recherche d’un boulot seront systématiquement rejetés. Désespéré, Gilbert* abandonne la course vers la magistrature. Il décide autrement. En octobre 2019, il postule dans une radio privée pour un stage professionnel. Malgré des promesses, ses espoirs ne dureront pas longtemps non plus. Immense tristesse:

« On m’a donné un stage de six mois. Le responsable me promettait qu’après ce délai j’allais être embauché. Cependant, à la grande surprise, quand j’ai terminé mon stage, il m’a annoncé qu’il n’y avait pas de place pour moi! Ça a été une grande déception! Un chagrin ! Or, dans ma famille, c’est moi seul qui ai fait l’université. Mes frères et mes parents comptent tous sur moi pour leur survie. Actuellement, j’ai honte de rentrer… ».

Gilbert

Après ses études, Gilbert* a bénéficié d’un appui d’un de ses collègues, Edouard*.  « Il m’a accueilli chez-lui. Pendant plus d’une année, il a payé pour moi le loyer et la nourriture. Même aujourd’hui, il m’aide souvent », confie-t-il avant d’ajouter : « J’espère qu’avec l’arrivée du nouveau président aux affaires, les choses vont s’améliorer. Quelles que soient les circonstances, la donne va changer. Sa déclaration contre le chômage des jeunes m’a donné de l’espoir ».

Excepté le manque d’emploi. La plupart de jeunes diplômés ne trouve pas où exercer des stages pour acquérir au moins une petite expérience. Or, celle-ci est l’une des conditions exigées lors des recrutements. Diomède*, 32 ans, est dans cette situation. Ayant étudié à l’Institut de l’éducation physique (IEPS), il a cherché, depuis 6 ans, le stage professionnel sans succès. Ce ressortissant de la province de Rutana, s’insurge contre le mauvais leadership africain.

« A l’école secondaire, on nous a appris que presque tous les pays africains ont acquis leur indépendance au cours des années 60. De quelle indépendance s’agit-il si leurs dirigeants ne sont pas capables de créer de l’emploi pour leurs citoyens? Quand j’ai terminé mon cursus universitaire, je ne m’imaginais pas que j’allais passer 6 ans sans arriver à décrocher un stage professionnel! Ça dépasse l’entendement ! ».

Diomède

Il faut rappeler que, dans certaines institutions et entreprises, les stages sont payants.

« Pas question de croiser les bras »

Malgré la situation, certains jeunes diplômés savent que tout n’est pas perdu tant qu’ils sont encore en vie. Ils essaient de se débrouiller en exerçant de petits métiers, pour trouver de quoi se mettre sous la dent. Par exemple, Donatien*, originaire de la commune de Mutaho, province de Gitega [centre du pays]. Il vit du commerce des cartes de recharge.

« J’ai terminé mon cursus à la faculté de psychologie il y a trois ans. Depuis, je n’ai pas réussi à trouver un emploi. Comme je n’avais nulle part aller, mon oncle m’a donné un peu d’argent pour que je lance mon petit business. Malheureusement, le revenu est très faible. Je ne parviens pas à joindre les deux bouts du mois. »

Donatien

Ce travail n’est pas sans conséquences. Donatien* indique que lui et ses camarades sont souvent victimes de brutalités policières. « Des policiers nous interpellent souvent ou prennent notre matériel. Pour qu’ils nous le remettent, nous sommes obligés de payer une somme d’argent variant entre 2000 et 10 000 Fbu », dénonce-il. « D’autres nous obligent de leur transférer du crédit qu’ils ne remboursent pas. Ils fixent eux-mêmes le montant », ajoute-t-il. Et le jeune homme de se révolter : « pourquoi nous malmènent-ils? Pourquoi nous empêchent-ils de chercher à manger alors qu’ils ne sont même pas capables de nous donner du travail? ».

Contraints de fuir   

Face aux brutalités des forces de l’ordre, certains jeunes commerçants préfèrent retourner à la campagne. D’autres fuient vers l’étranger. Considérons par exemple le cas de Janvier*, ressortissant de la province de Kayanza. Il échoue à l’examen d’État en 2016. Comme sa famille est très pauvre, sans propriété suffisante, il décide, la même année, de descendre sur Bujumbura à la recherche de l’emploi. Il est embauché comme domestique à Kamenge…

Deux ans plus tard, il aura déjà collecté un petit capital. Il commence son propre business. Il se lance dans la vente des cartes de recharge. Le jeune Janvier* s’installe au centre-ville. Mais, à l’instar de plusieurs centaines d’autres jeunes exerçant le même métier, il y est confronté, presque quotidiennement, aux brutalités policières : Tantôt emprisonné, tantôt obligé de verser des pots-de-vin… Fin 2018, il est presque en faillite. N’en pouvant plus, il décide d’aller essayer la vie au Kenya. Aujourd’hui, son business va bon train. Joint par téléphone, il s’est confié à Ivomo :

« C’est un ami qui m’y a conduit. À mon arrivée à Nairobi, il m’a vite initié et montré comment je peux gagner un peu d’argent. Ce n’est pas facile. Mais quand même je parviens à trouver à manger et à faire un peu d’économies. Contrairement au Burundi, la police kenyane ne m’a jamais interpellé. Je viens d’y passer plus d’une année. L’important est d’y respecter la loi ».

Janvier

En somme, en se proposant de combattre vigoureusement le chômage chez les jeunes, le nouveau président, le Général Évariste Ndayishimiye, est en train d’aller dans la bonne direction. Reste quand-même à savoir si les moyens alloués suivront le même sens. En avril 2020, son prédécesseur, feu Pierre Nkurunziza, avait fait les premiers pas dans la même direction. Il a inauguré la Banque d’investissement pour les jeunes (BIJE), installée à Gitega, la capitale politique. Celle-ci financera les projets des jeunes à un taux bas de 7 %. 

*les noms ont été modifiés

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