Au Burundi, à la suite de la crise politico-sécuritaire déclenchée en 2015 et la destruction de certains médias indépendants, l’usage des réseaux sociaux s’est intensifié. Une grande préoccupation aujourd’hui: ceux-ci semblent s’être transformés en canal de manipulation et divulgation de fake news ou propos haineux.
Le phénomène est inquiétant. Il empoisonne certains débats sur la situation au Burundi. Des acteurs « mal intentionnés » utilisent différentes plateformes [facebook, twitter, you tube, …] de façon abusive. Ils ne se soucient point des conséquences.
Des SMS
Certains messages de manipulateurs sont, en premier lieu, rédigés à partir des téléphones portatifs avant d’être partagés sur les réseaux sociaux ou WhatsApp. Parfois, les expéditeurs se font passer pour de hautes autorités. Des SMS dont IVOMO est en possession font référence à divers sujets d’actualité : Covid-19, chômage, offre d’emploi, tombola, compétitions, etc.
Notre reporter s’est mis en relation avec un jeune homme, depuis peu escroqué par ce moyen. Ignace*, 25 ans, habite la zone de Kamenge, au nord de la capitale économique. Il a reçu un SMS de quelqu’un qui prétendait être un ami. Le message disait : « Tu as eu la chance d’être choisi pour participer à une formation sur la Covid-19. Une bonne nouvelle, les frais de participation seront perçus en dollars. La formation commence la semaine prochaine. Bienvenu! ».
Chômeur, Ignace* a accueilli l’information avec allégresse. Mais le lendemain matin, il a été réveillé par un autre message :
« Il y a eu une complication. Les demandeurs sont nombreux. On risque de te retirer de la liste. Si tu veux ma faveur, envoie-moi, via lumicash, 100.000 BIF ».
Ne souhaitant pas perdre sa « place », le jeune transféra l’argent. Le jour convenu arrivé, il se présenta à l’endroit où la formation est censée se tenir. Zut! Il n’y a personne! Il compose le numéro qui lui envoyait des SMS. On lui répond qu’il n’existe pas! Ainsi, Ignace* constate vite qu’il a été escroqué. Il perd la tête. Reste bouche bée. C’est la confusion. Pendant ce temps, des scènes sur tout ce qui s’est passé circulent dans sa mémoire. Comme un film! Après un moment, il rentre bredouille.
Infox en politique
Des exemples sont nombreux. Revenons juste sur quelques-uns. Au mois de juillet 2020, des soupçons sur la possible disparition/mort de l’actuel premier ministre burundais, Alain Guillaume Bunyoni, ont couru pendant plusieurs jours. La seule cause : l’autorité venait de passer plus d’une semaine sans faire une apparition publique! Ce qui, au contraire, est normal. Déclenchée un mois après le décès du président Pierre Nkurunziza, la rumeur a été amplifiée par les réseaux sociaux.
Certains se cachent derrière la parole de Dieu ou les Saintes Écritures. Rappelons, à titre d’exemple, les propos de la « prophétesse » et ancienne députée, Persille Mwidogo, selon lesquels Dieu lui avait révélé que Feu Nkurunziza « devait coûte que coûte diriger le Burundi en 2020 ». L’élue était parfaitement claire :
« Il peut arriver qu’ils fassent un forcing et proposent un autre candidat. Celui-ci connaitra énormément de difficultés jusqu’à ce qu’il y renonce et cède la place à l’élu de Dieu ».
Certaines infox, bien que massivement relayées par des Burundais, dépassent les frontières du pays de Ntare. En août 2020. Un prêtre rwandais en exil annonce, sur Voxafrica, la mort du président Paul Kagame. Bien qu’aucun médium de renommée n’eût diffusé cette information, beaucoup de gens y avaient absolument cru!
Quelques jours plus tard, Kagame apparaitra dans une conférence publique, répondant aux questions de la population, à Kigali.
Un fléau à éradiquer
Le rythme avec lequel les fake news progressent inquiète plusieurs organisations internationales. Parmi elles, l’ONU qui estime qu’ils [fakes news] constituent une source d’insécurité.
Selon l’institution, non seulement le monde fait face à la pandémie de COVID-19 mais également à ce qu’elle qualifie d’« infodemic ». C’est-à-dire : un flux excessif d’informations généralement moins fiables, à propos d’un problème, qui se propagent très rapidement et rendent difficile la recherche d’une solution.
Selon des experts, la désinformation sur les réseaux sociaux manipule les émotions des gens. Par exemple via Facebook, précisent-ils, on peut rendre ceux-ci heureux ou misérables. Ça dépend du type de contenu.

Au mois de mai, l’ONU a lancé une initiative intitulée « verified » ou « vérifié ». Objectif, sensibiliser les communautés aux dangers de la désinformation, surtout celle liée à la COVID-19. Après, on leur apprend des stratégies de lutter contre elle. Entre autres, « augmenter le volume et la diffusion d’informations fiables et précises sur le virus ». Bref, il est conseillé de réfléchir avant de partager.
Les Burundais devraient donc s’inspirer de ce modèle. Il est important. Et, ce n’est pas difficile. Voici une astuce simple : dressez la liste des sites ou plateformes d’informations fiables sur le Burundi puis, consultez-les régulièrement. Instruisez-vous personnellement pour mûrir l’information. Comme ça, vous serez capables de démêler le vrai du faux.
Que dit la loi ?
Jusqu’ici, le gouvernement n’a pas encore adopté une loi sur la manipulation de l’information. Néanmoins, lancer des injures et propos haineux, quelles que soient la nature et la voie de diffusion, est punissable.
Ainsi, le code pénal burundais, articles 264 à 268, sanctionne des imputations dommageables, des injures, l’aversion raciale, des dénonciations calomnieuses, etc.
De surcroît, le code de procédure pénale autorise le contrôle, par qui de droit, des conversations transitant sur les réseaux sociaux aux fins d’enquêtes. L’internet n’est pas non plus épargné. Des mails d’une personne soupçonnée de préméditer une infraction peuvent également être interceptés.
Enfin bref, si vous êtes auteurs de la désinformation ou la manipulation en ligne, sachez que vous vous exposez à des sanctions.